
Les 10 Règles d'Or de l'Aroma-Phytothérapie
Fixez des objectifs précis.

Photo (c) Tamas Tuzes-Katai @ unsplash.com
La création des formulaires aroma-phytothérapeutiques qui associent les huiles essentielles dans des synergies efficaces, tout en réduisant au maximum les effets indésirables, peut sembler complexe. C’est certainement le cas lorsque l’on débute l’étude des huiles essentielles et d’autres formes galléniques, obtenues par d’autres méthodes d’extraction des plantes aromatiques et médicinales.
Quelques « règles d’or » pourraient-elles aider le·la praticien·ne en aromathérapie (aromathérapeut·e, aromatologue) à résoudre ce puzzle dont les pièces évoluent constamment, notamment par les nouvelles perspectives que nos apportent les études scientifiques ?
Après des années de pratique et d’enseignement, j’en suis venu à suivre un « chemin en 10 étappes ». Je n’ai pas l’ambition de proposer une vérité universelle. Dans l’exposé Aroma Zoom : Les 10 Règles d’Or de l’Aroma-Phytothérapie, je propose dix règles qui continuent à me guider dans mon travail. Mon souhait est de partager une approche qui, dans ma pratique, est devenue la vitamine D en hiver, la méditation guidée lorsque les défis de la vie sont accablants et la promenade en forêt lorsque le monde devient trop bruyant.
Dans cet article, je vous invite à découvrir la première règle : Fixez des objectifs précis.
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Ceci est un article pour les lecteur·rice·s « Formé·e ou avec expérience ». Cet article n’est pas destiné à se substituer à un avis médical professionnel, un diagnostic ou un traitement. Lisez les Conditions d’utilisation. Si vous débutez avec des huiles essentielles, lisez les Précautions d’emploi.
La précision de l'action
Dans ses Etudes sur Tchouang-Tseu, le sinologue suisse Jean-François Billeter cite le célèbre chinois Tchouang-Tseu : « L’action doit avoir un but précis, sinon elle se divise, elle se brouille, elle tourne mal et cause à la fin des dégâts irréparables » (Billeter, 2006). Nous nous souvenons tous d’une expérience où nous n’étions pas clairs sur notre intention et la déception résultante de notre action divisée. Dans toute pratique de l’aromathérapie, il importe d’être clair sur l’objectif thérapeutique que nous voulons atteindre.
Ce n’est pas si évident que ça en à l’air. Pensez aux multiples façons de décrire les effets relaxants sur le système nerveux central des huiles essentielles de certaines espèces de Lavandula : relaxant, calmant, apaisant, soulageant, voir sédatif… Voici un double constat : ces actions sont loin d’être interchangeables et ne prennent qu’une signification que lorsqu’elles sont associées à une cible.
D’abord, des corps de métiers spécifiques se sont appropriés des mots, les donnant un sens spécifique dans un context bien défini. Il en va de soi que l’aromathérapie ne pratique pas la sédation, action médicale réservée aux médecins, comme dans le cas d’une absence de la reprise d’une activité cardiaque spontanée après réanimation.
Quant au mots : relaxant, calmant, apaisant, soulageant, ces propriétés ne deviennent cliniquement pertinentes que lorsqu’elles sont associées à une cible.
Quant au mots : relaxant, calmant, apaisant, soulageant, ces propriétés ne deviennent cliniquement pertinentes que lorsqu’elles sont associées à une cible. Cette cible peut être une fonction physiologique, un tissu corporel (musculaire, nerveux…), un organisme pathogène… Citer la cible permet d’être précis dans la description de l’action recherchée ou, dans le cas d’une monographie d’une huile essentielle, d’attribuer la propriété à une huile essentielle. Cette précision est nécessaire, car les différents mots choisis pour nommer les propriétés thérapeutiques ne conduiront pas aux même choix d’huiles essentielles.
Astuce livre
Afin d’établir l’objectif thérapeutique en fonction du tissu ciblé, il est nécessaire d’avoir une compréhension de base de la physiologie, qui étudie le fonctionnement des organismes vivants et de leurs constituants. Dans leur ouvrage « Physiologie et huiles essentielles« , Arnaud Géa et Philippe Banel exposent les principales fonctions physiologiques du corps humain et présentent les huiles essentielles associées à celles-ci.
L’œuvre est particulièrement intéressant car il fait référence aux articles et études scientifiques qui soutiennent le propos – une approche qui est encore rare aujourd’hui mais qui semble monter en puissance. Espérons que cette approche devienne le mode de travail par défaut dans les années à venir.
Géa, A., & Banel, P. (2022). Physiologie et huiles essentielles: Comment les huiles essentielles agissent sur les différents systèmes de l’organisme? Dunod. 768 p., EAN 9782100820771, 56 €.
La peau
L’action primaire
En application cutanée, on parlera des verbes appaiser ou calmer. Parmi les propriétés recherchées, l’action antalgique (qui « calme la douleur ») se trouve en tête de liste dans un grand nombre de pathologies de la peau. Pour obtenir une telle action plusieurs huiles essentielles (et leurs composants phares) sont candidats. Prenons l’exemple des espèces du genre Mentha et du menthol, avec l’huile essentielle Menthe poivrée (Mentha x piperita) et l’huile essentielle Menthe des champs (Mentha arvensis).
Les méchanismes d’action
Le menthol permet d’aller plus loin dans la précision de l’objectif, en y intégrant la connaissance des mécanismes d’action. Le menthol agit comme un agoniste d’un nombre de récepteurs. Un agoniste est une substance qui se lie à un récepteur situé dans une cellule ou à sa surface, provoquant une action.
Le mot « anti-nociceptif« , composé des mots « anti » et l’adjectif « nociceptif », désigne la mise hors service d’une partie de la nociception, ce système physiologique qui consiste à coder les stimulus nocifs et sa transduction, en signaux électriques, vers le cerveau pour y être traité et analysé. Les récepteurs sur lesquels le menthol agit se situent entre autre dans la peau, les muscles, les articulations ou les viscères. C’est précisément ces récepteurs qui se chargent de transmettre des stimulus vers le cortex où la sensation de douleur est ressentie (Frias & Merighi, 2016). L’objectif peut donc être formulé comme ceci : une action anti-nociceptive sur le tissu cutané.
Le menthol, connu pour son effet rafraîchissant au contact avec la peau, agit comme agoniste du récepteur TRPM8 (Transient Receptor Potential Melastatin subtype 8), un canal ionique multimodal non sélectif, activé par de basses températures (<28 °C), par la pression et par des composés qui procurent une sensation de froid tel que le menthol (d’où son nom) (González‐Muñiz et al., 2019 ; Cortright et al., 2007). Plusieurs étudent montrent que le menthol active non seulement TRPM8, mais active également GABAA, TRPA1 et TRPV3 et montre un effet inhibiteur sur Nav et certains canaux Cav (Hall et al., 2004 ; Hartley & McLachlan, 2022 ; Mickle et al., 2015 ; Tani et al., 2010). Une action multiple donc, qui bloque la signalisation de la douleur, détectée dans la peau, les muscles et les articulations, vers le cerveau.
On peut envisager de formuler des actions thérapeutiques basées sur ces méchanismes d’action. Une telle énumération mérite sa place dans des monographies. Pourque une telle approche apporte une réelle information aux lecteur·rices, il faudra préciser la qualité des preuves scientifiques en s’appuyant sur un cadre tel que, par exemple, le système GRADE, voir le type d’étude (clinique, in vitro, in vivo etc.).
Par contre, lorsqu’il s’agit de fixer un objectif therapeutique, toujours dans le contexte des verbes appaiser ou calmer, on risque de s’y perdre. D’abord, parce que l’action recherchée sera dans un grand nombre de cas le résultat de plusieurs méchanismes d’action et il est souvent difficile d’en fournir une inventaire complèt. Ensuite, parce que citer les propriétés selon les méchanismes d’action n’est pas forcément cliniquement pertinent.
L’action secondaire
En fonction du contexte, cette action peut être complétée par diverses autres propriétés qui vont indirectement contribuer à l’objectif thérapeutique (antalgique), telles que anti-allergène, un domain dans laquelle on peut considérer l’huile essentielle Matricaire (Matricaria chamomilla, M. recutita) (El Mihyaoui et al., 2022 ; Mitoshi et al., 2014) ; anti-inflammatoire en faisant le choix des huiles essentielles Manuka (Leptospermum scoparium) et Kanuka (Kunzea ericoides) (Maddocks-Jennings et al., 2009; Zhang et al., 2024) ; antibactérienne ou antivirale selon le pathogène en optant pour l’huile essentielle Arbre à thé (Tea tree) (Melaleuca alternifolia) (Iacovelli et al., 2023).
L’objectif initial (appaiser ou calmer) peut donc, en fonction de la pathologie, être formulé comme suite : une action anti-nociceptive, anti-inflammatoire, antibactérienne et/ou antivirale sur le tissu cutané.
Une fois l’objectif atteint se produira un effet d’apaisement et donc un soulagement, en quelque sorte un retour au calme – et là on parle d’une autre cible : le système nerveux.
Le système nerveux
En effet, la propriété calmante d’une huile essentielle peut s’appliquer dans un autre contexte, qui est celui du système nerveux central. Faisons donc un double écart en changeant de cible et de voie d’administration : la fameuse « inhalation » associe le sens olfactif à l’inévitable respiration.
Un large éventail d’huiles essentielles et de certains de leurs composants sont étudiés pour une action calmante. Pensez à la Lavanda vraie (Lavandula angustifolia subsp. angustifolia) et toute huile contenant le fameux couple linalol + acétate de linalyle : l’huile essentielle Néroli (Citrus x aurantium, C. x aurantium subsp. amara), l’huile essentielle Petit-grain bigarade (idem), Ess. Bergamote (Citrus × aurantium subsp. bergamia) voir l’huile essentielle Sauge sclarée (Salvia sclarea).
On peut ici rajouter une action harmonisante, en citant par exemple l’huile essentielle Ylang-ylang, dont l’inhalation entraîne le « découplage » de l’activation physiologique et comportementale (anglais : arousal), décrit non pas par un action calmante, mais harmonisante (Hongratanaworakit & Buchbauer, 2004 ; Moss et al., 2008).
De nombreux méchanismes sont à l’œuvre et pourraient motiver d’autres choix dans la description de l’objectif. Des recherches sont été menées sur, entre autres, l’antagonisme de NMDA (acide N-méthyl-D-aspartique), l’inhibition de la recapture de la sérotonine (reuptake) par inhibition du transporteur de la sérotonine (SERT) et l’inhibition neuronale du GABA (López et al., 2017 ; Hartley & McLachlan, 2022).
L’objectif peut donc être formulé comme ceci : une action calmante ou harmonisante sur le système nerveux central, en opposition avec, par exemple, l’action de « calmer » dans le sens spasmodique pour le muscle lisse ou dans le sens décontractante pour le muscle strié.
Le muscle lisse et strié
On pourrait continuer la saga des mots avec l’action anti-spasmodique sur le muscle lisse et décontractante sur le muscle strié.
Mais, comme dirait Haruki Murakami : « Ça c’est une autre histoire ».
Pour un effet de détente (au choix : relaxant, calmant, apaisant, soulageant) après lecture de cet article, je vous conseille le petit livre « Première personne du singulier » de l’auteur, édité par Belfond dans la collection 10/18 (8 euros, 192 pages).
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